Depuis quelques années, je vois de plus en plus de familles accueillir des chiens de lignée de travail, et bien souvent, la cohabitation ou les promenades se passent mal : chien très contrôlant, morsures tenues sur les vêtements ou les bras, socialisation compliquée, destructions, énergie débordante… Je vous propose aujourd’hui d’explorer l’impact de la génétique des chiens sur notre quotidien.
La sélection génétique générale et l’importance de la lignée
Au sein de l’espèce canine, l’homme a développé, pour son intérêt propre, différentes races sélectionnées pour un travail bien précis : la garde de la maison, la conduite ou la protection du troupeau, le repérage, la poursuite ou le rapport de gibier, la défense de l’humain…
Certaines races se voient aujourd’hui attribuer d’autres missions que celles d’origine, qui peuvent occasionner des désillusions chez leurs propriétaires.
Au-delà de la sélection générale des races, un autre facteur revêt, à mon sens, une importance capitale : celui de la lignée. Au sein d’une même race, nous pourrons différencier différentes lignées, sélectionnées sur des critères bien différents. On parlera donc de lignée de beauté, ou show, et de lignée de travail, ou working.
La lignée de beauté est sélectionnée dans la majeure partie des cas sur des critères esthétiques afin de se rapprocher au plus du standard de race, mais un tempérament docile peut aussi être recherché. Ces chiens étant plutôt destinés aux familles, on y trouve souvent des chiens plutôt résilients et tolérants.
A l’inverse, concernant les lignées de travail, on recherche la performance plutôt que l’esthétique. Le chien de travail doit être endurant, tenace et avec un certain tempérament.
Etant donnée la différence de sélection entre ces lignées, nous pouvons aisément comprendre que leurs besoins fondamentaux sont différents : quand l’un peut généralement s’accommoder d’une vie de famille avec balade quotidienne, l’autre est né pour être endurant et travailler en suivant ses patrons moteurs. Bien évidemment, quelle que soit la lignée du chien, si ses besoins fondamentaux ne sont pas comblés, il risque de vous réserver quelques surprises. Partant de ce postulat, il est primordial de réfléchir en amont au temps que nous pourrons allouer quotidiennement à notre chien avant de se décider sur une race, une lignée et un individu.
Concilier cadre de vie et génétique
Un autre sujet, le plus important à mon sens, mérite d’être abordé si nous parlons de races de chiens, mais surtout si nous parlons de chiens de travail : celui de son utilisation et de notre cadre de vie. Pourquoi ce chien a-t-il été sélectionné à l’origine ? Ses critères de sélection actuels sont-ils désormais différents pour répondre à une autre utilisation ? Cette sélection est-elle aisément compatible avec la vie que j’ai actuellement ou celle que j’aurai dans quelques années ? Si non, suis-je prête à m’investir pour mon chien pour que notre vie ensemble soit la plus fluide possible ? Et pour aborder ce sujet, je vous propose de prendre un exemple fictif : celui de Monsieur et Madame X.
Monsieur et Madame X ont 3 enfants en bas âge. Ils travaillent tous deux toute la journée, et leurs soirées sont donc rythmées par leurs enfants. Le week-end, ils apprécient une balade familiale en forêt, mais en dehors de ce petit temps de pause, les semaines sont chargées, entre travail, activités périscolaires et entretien de la maison et de la famille. Cette charmante famille aimerait prendre un chien, et comme ils souhaitent que madame X se sente en sécurité chez elle, ils se tournent vers le malinois. Monsieur X aimerait bien, de temps en temps, courir avec son chien, faire de l’obéissance avec lui et pourquoi pas un peu de mordant : de cette façon, nous serons sûrs que toute la famille sera en sécurité. Il entend parler des chiens de travail, toujours volontaires pour faire quelque chose avec leur humain.
Ils vont donc chercher leur petit chiot malinois de travail. Il est si mignon, les enfants aiment beaucoup jouer avec lui. Seulement, le chiot attrape vite les vêtements, les bras, les jambes, et ne lâche pas. Il s’énerve, aboie et poursuit les vélos et les voitures. Les enfants, en courant, se font pincer les mollets. Bien qu’il ait à sa disposition pléthore de jouets, rien n’y fait : poursuivre les enfants et les mordre semble bien plus amusant que tout le reste. Monsieur et Madame X sont désormais décontenancés, et les enfants commencent à avoir peur du chien, qui grandit et gagne en puissance chaque jour. Personne ne comprend pourquoi ce chien, qui est pourtant aimé, choyé, et promené, réagit de la sorte. Ingratitude ? Chien méchant ? Non, seulement un chien qui fait ce pourquoi il a été reproduit. Le malinois était initialement un chien de conduite de troupeau : son travail consistait donc à contrôler le mouvement.
Que l’on ne s’y trompe pas, le chien de berger ne rassemble pas le troupeau par amour de ses moutons : il chasse. Seulement, nous avons sélectionné certaines phases de cette séquence de prédation, et supprimé d’autres : l’objectif n’est pas que le chien de berger tue et mange la brebis. Aujourd’hui, le malinois est travaillé au mordant pour devenir un chien de garde et de sécurité : il doit mordre l’humain et ne pas lâcher sa prise, même s’il se fait frapper. Les « bons mordeurs » sont reproduits, et nous observons donc des chiots qui, dès le plus jeune âge, se suspendent au pantalon ou au pull de l’éleveur et ne lâchent pas. C’est ce que la génétique lui dicte de faire.
Faire son choix
Cette réflexion ne vaut évidemment pas que pour le malinois, mais bien pour toutes les races d’utilité. Les potentiels problèmes rencontrés ne seront pas les mêmes en fonction de la race (et donc de l’objectif d’utilisation) du chien : un beagle de travail sera potentiellement très bon chasseur mais risque de vous fausser compagnie lors de vos balades en forêt. Un border collie aura tendance à vouloir poursuivre le mouvement, etc… Il existe bien évidemment – et heureusement – des personnes qui cohabitent sans difficulté avec des chiens de lignée de travail, car l’individualité d’un être vivant prend également une place importante dans son comportement. Cet article a seulement pour but de pousser à la réflexion et à se poser les bonnes questions en amont d’une adoption : ce choix est-il réellement le plus adapté pour moi ?
N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez des conseils quant à la race que vous souhaiteriez adopter ou si vous rencontrez des difficultés avec votre chien.